3ème Conférence scientifique méditerranéenne du GID

 

3ème Conférence scientifique méditerranéenne du GID

Espace méditerranéen de la science

« Richesse et diversité méditerranéennes ; biologie et culture »

Alexandrie 21-24 juin 2010



LIGNEUX ET DESERTIFICATION EN MEDITERRANEE

Gérard BEGNI – Centre national d’Etudes Spatiales – Chargé de mission auprès du GID



Fig. 1 – L’arbre, dernière trace végétale dans un paysage presque entièrement désertifié. © F. Peter.

 

La désertification est par définition la dégradation irréversible de la qualité des sols (voir encadré 1). Elle les rend impropres à la nutrition des hommes, que ce soit de manière directe (cultures vivrières ou industrialisées, irriguées ou non), ou indirecte via l’élevage (parcours pastoraux).

L’expression imagée d’une ‘avancée du désert’ a longtemps donné une idée fausse des mécanismes de désertification. Il faudrait plutôt comparer ce fléau à une grave maladie de peau de la Terre, qui l’envahit peu à peu par plaques localisées et peut être guérie par endroits.

Les causes de la désertification associent les évolutions naturelles et les pressions anthropiques d’une manière étroitement couplée, systémique, non linéaire, avec des points de bifurcation et de non retour qui déterminent l’irréversibilité du phénomène.

Les principales causes naturelles sont les sécheresses prononcées, qui assèchent la surface du sol et font baisser les nappes phréatiques – et plus généralement les évolutions climatiques qui, dans les régions semi-arides méditerranéennes tendraient à une diminution des précipitations et un accroissement des températures, l’érosion hydrique (liée à des événements pluvieux extrêmes, parfois bien en amont des zones sujettes à la désertification) et surtout éolienne (qui affecte tant l’endroit où se produit l’érosion que des régions éloignées où se produisent des dépôts sableux infertiles – voir fig. 2 ; certains de ces vents de sable traversent la Méditerranée).

Les causes anthropiques sont multiples et aussi complexes que les comportements humains. Elles sont fondamentalement liées à une pression accrue sur les écosystèmes qui excède leur capacité de résilience. On peut citer quelques unes parmi les principales: exploitation excessive des sols pauvres qui les prive de leurs nutriments; irrigation accompagnée d’usage irraisonné d’engrais et de pesticides qui provoque la salinisation directe des sols mais aussi une salinisation des aquifères et donc un effet différé ainsi qu’une propagation spatiale ; déboisement (bois de chauffe, de construction, commercial); feux supposés dégager les terrains de broussailles et leur apporter des nutriments ; surpâturage qui, avec la surexploitation sédentaire et le déboisement, dénude les sols et les expose à l’érosion éolienne décrite plus haut (outre le sable, le vent peut déplacer la terre salinisée).

Certains phénomènes de désertification locaux peuvent faire intervenir des causes naturelles et anthropiques indépendantes. Ainsi, en zone côtière, l’élévation du niveau de la mer peut provoquer la salinisation des aquifères, notamment dans les grands deltas (Nil, Ebre, Rhône) tandis que l’usage irraisonné des engrais et des pesticides peut amplifier le phénomène (avec des composés plus toxiques). Mais bien souvent les causes se couplent. Ainsi entre autres exemples, le surpâturage met les sols à nu et les expose à l’érosion; le régime particulier des pluies méditerranéennes peut délaver les brûlis de leur cendres fertiles.

Les ligneux font partie de tous les écosystèmes, depuis les régions humides et boréales jusqu’aux régions arides et semi-arides, où ils jouent des rôles spécifiques essentiels. Ils entretiennent avec les autres espèces végétales et animales des interactions complexes assurant la résilience des écosystèmes et contribuant aux services qu’ils rendent. La destruction de ces interactions peut provoquer des dégradations irréversibles en faisant sortir les écosystèmes de leur domaine de résilience. Dans le cadre des phénomènes de désertification dans le bassin méditerranéen il faut considérer à la fois de grands arbres de forte valeur économique propre tels que le palmier dattier ou l’arganier au Maroc, des arbres à valeur économique plus traditionnelle (cèdres, chênes, pins, cyprès…) et des végétaux plus modestes. Il est essentiel de leur associer les plantes constituant maquis et matorrals, associant ligneux et non ligneux, et dont les propriétés couvrantes sont fondamentales dans bien des régions méditerranéennes, ainsi que les végétaux (essentiellement des graminées) des espaces steppiques non arborés. Les interactions entre ces espèces végétales et les processus de désertification sont extrêmement multiples et diversifiés et nécessitent une parfaite compréhension de ces anthropoécosystèmes et des services qu’ils rendent.

On peut tenter d‘identifier les interactions les plus importantes de ces écosystèmes pour notre propos.

Les ligneux, les maquis et matorrals, et les steppes non arborées, sont donc un élément essentiel à l’équilibre et la résilience des écosystèmes semi-arides méditerranéens Ils contribuent tant globalement que par certaines de leurs particularités environnementales et économiques aux services rendus par ces écosystèmes. Ils sont le plus souvent le dernier signe de vie végétale dans des zones en voie de désertification totale.

Ils doivent être protégés de l’ignorance et de la cupidité des hommes.

Fig. 2 – Observation par satellite de vents propageant des masses considérables de sable
vers les zones plus fertiles du nord du Maroc et de l’Algérie. © NASA.

 

Encadré 1 : Quelques définitions selon la « Convention des Nations Unies sur sa Lutte contre la Désertification dans les pays gravement touches par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique »

(a) le terme "désertification" désigne la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines;

(b) l'expression "lutte contre la désertification" désigne les activités qui relèvent de la mise en valeur intégrée des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, en vue d'un développement durable et qui visent à:

(i) prévenir et/ou réduire la dégradation des terres,

(ii) remettre en état les terres partiellement dégradées, et

(iii) restaurer les terres désertifiées;

………………

(d) l'expression "atténuation des effets de la sécheresse" désigne les activités liées à la prévision de la sécheresse et visant à réduire la vulnérabilité de la société et des systèmes naturels face à la sécheresse dans le cadre de la lutte contre la désertification;

(e) le terme "terres" désigne le système bioproductif terrestre qui comprend le sol, les végétaux, les autres êtres vivants et les phénomènes écologiques et hydrologiques qui se produisent à l'intérieur de ce système;

(f) l'expression "dégradation des terres" désigne la diminution ou la disparition, dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, de la productivité biologique ou économique et de la complexité des terres cultivées non irriguées, des terres cultivées irriguées, des parcours, des pâturages, des forêts ou des surfaces boisées du fait de l'utilisation des terres ou d'un ou de plusieurs phénomènes, notamment de phénomènes dus à l'activité de l'homme et à ses modes de peuplement, tels que:

(i) l'érosion des sols causée par le vent et/ou l'eau,

(ii) la détérioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques ou économiques des sols, et

(iii) la disparition à long terme de la végétation naturelle